lundi 21 avril 2014

Kinderzimmer

Je ne suis pas sûr de trouver les mots justes pour décrire ce que je pense de ce livre et ce que j'ai ressenti à sa lecture. C'est à la fois beau et horrible, tendre et violent, d'une infinie tristesse et d'une vitalité démesurée.
Chaque mot a été pesé par l'auteure pour prendre sa place dans cette œuvre percutante comme un coup de poing en plein cœur. chaque phrase, dans sa construction, a été ciselée pour transpercer l'imagination du lecteur. Quand vous entrez dans le livre, vous entrez avec ces femmes dans l'univers des camps de concentration nazis (ici, Ravensbrück), vous vivez avec elles l'horreur du quotidien, vous la ressentez vraiment. Vous êtes à la fois écœurés et fascinés par ce que vous lisez, et tout comme celles qui en ont sont sorties vivantes, vous restez comme abasourdis par ce qui tient du miracle, et vous vous demandez comment des êtres humains soumis à de telles conditions trouvent la force de survivre. Alors, s'agissant de nouveau-nés, c'est tout simplement ahurissant. Car là est le vrai cœur de cette histoire : les enfants qui naquirent dans les camps.
Kinderzimmer est à mettre entre toutes les mains des générations actuelles. Pour ne pas oublier un pan monstrueux de l'Histoire de l'humanité. Pour se rendre compte de l'horreur que ce fut pour celles et ceux qui le vécurent dans leur chair, et dont certains sont encore parmi nous (mais pour combien de temps encore ?). Et enfin parce que c'est une fantastique leçon de vie.

Incipit :

Prologue

Elle dit mi-avril 1944, nous partons pour l'Allemagne.

  On y est. Ce qui a précédé, la Résistance, l'arrestation, Fresnes, n'est au fond qu'un prélude. Le silence dans la classe naît du mot Allemagne, qui annonce le récit capital. Longtemps elle a été reconnaissante de ce silence, de cet effacement devant son histoire à elle, quand il fallait exhumer les images et les faits tus vingt ans ; de ce silence et de cette immobilité, car pas un chuchotement, pas un geste dans les rangs de ces garçons et filles de dix-huit ans, comme s'ils savaient que leurs voix, leur corps si neufs pouvaient empêcher la mémoire. Au début, elle a requis tout l'espace. Depuis Suzanne Langlois a parlé cinquante fois, cent fois, les phrases se forment sans effort, sans douleur, et presque, sans pensée.

Elle dit le convoi arrive quatre jours plus tard.

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