jeudi 27 juin 2013

Le maréchal absolu

Ce "pavé" de plus de 700 pages (et petite police) est un monument dans son genre. Ce livre est gargantuesque et effrayant, d'une drôlerie macabre et d'une profondeur inquiétante. C'est comme si, ayant plongé le lecteur dans le noir, l'auteur éclairait soudain une scène de l'histoire, d'une lumière violente et crue, puis une autre, puis une autre encore, tandis que les scènes précédentes replongent progressivement dans l'obscurité, mais pas complètement. Cette histoire de la décadence d'une dictature féroce (synthèse des régimes post-coloniaux, dont s'est largement inspiré Pierre Jourde) est vraiment étonnante. Un livre dans lequel on pénètre, comme dans un marécage nauséabond, et dont on sort (à la dernière page) comme essoufflé, épuisé mentalement. Un livre énorme, inclassable. Et j'ai aimé.

Incipit :
Allons, parle, Manfred-Célestin, vieille pacotille, dis quelque chose, n'importe quoi, tu es plus disert d'habitude. Qu'est-ce qui t'arrive ? Ah ça, pourtant, d'habitude, on peut dire que tu m'en racontes ! Tu la trembles sans t'arrêter, ta plainte sempiternelle. Robinet à bout de course, mais qui s'obstine à crachoter jour et nuit son filet brunâtre, au prix de force convulsions. Tu es mon secrétaire particulier, à ce qu'il paraît. Ça, pour ce qui est de sécréter, tu sécrètes. Tu sécrètes particulièrement. C'est même ta principale activité dans l'existence. Je n'aurais jamais imaginé que tant de litres d'humeurs diverses puissent sortir d'un organisme si chichement abreuvé.

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